lundi 24 novembre 2014

L'Usine Nouvelle pare l'épargne salariale de vertus qu'elle n'a pas

Dans son article du 21 novembre 2014, l'Usine Nouvelle commente le volume et la composition actuelle des fonds d'épargne salariale. L'extrait ci-dessous appelle quelques remarques :

"Mais l’épargne salariale, dont les encours frôlaient les 111 milliards d’euros en juin 2014, est surtout investie dans le capital des grandes entreprises cotées en Bourse. Ce type de placement permet en effet aux gestionnaires des fonds de réduire le risque pour les salariés et d’assurer une certaine liquidité de cette épargne.

La 1ere phrase fournit une information exacte, l'épargne salariale est en effet surtout investie dans des grandes entreprises cotées en bourse, pour 65% environ du total qui se décompose en :
  • 40 % du total en titres de grandes entreprises, sous forme de fonds d'actionnariat salarié, dont la plupart est cotée en bourse, mais pas toutes, et on cite habituellement les entreprises de la galaxie Mulliez qui représentent un gros volume d'actionnariat salarié en titres non cotés. 
  • et 25% du total environ en fonds en actions (françaises, zone euro, internationales), soit des fonds à dominante actions, soit des fonds diversifiés. 
Ces chiffres proviennent des statistiques de marché au 30 juin 2014 publiées par l'AFG.
C'est le détail de cette composition qui permet d'expliquer en quoi la 2e phrase de l'article de l'Usine Nouvelle est critiquable.
  • Tout d'abord, les fonds d'actionnariat salarié (les 40% du total et 2/3 de l'encours en actions) n'ont absolument pas vocation à "réduire le risque pour les salariés". Au contraire, ils doivent être investis en quasi totalité en un seul titre, celui de l'entreprise, donc à l'inverse de la célèbre injonction normande de prudence "Ne mets pas tout tes œufs dans le même panier". De plus, les gestionnaires de ces fonds d'actionnariat salarié et surtout en titres non cotés, sont confrontés à la délicate question de la liquidité du titre pour honorer les demandes de remboursement des épargnants salariés.
  • S'agissant des fonds multi actions (diversifiés ou à dominante actions sans être de l'actionnariat salarié), il est effectivement plus confortable pour le gérant d'investir l'épargne des salariés dans les actions de très grandes entreprises que dans celles de PME ou ETI. Les raisons sont simples, notamment : 
    • Les marchés financiers sont organisés économiquement pour pousser les gros flux d'actions de grandes maisons et pas les tout petits flux de nombreuses PME ETI, 
    • Ce sont pour les actions des grandes maisons seulement que les gérants de fonds disposent d'analyses financières, de rating, d'outils d'évaluation. Les tentatives d'offrir aux gérants des outils équivalents pour apprécier les titres des PME ETI sont encore balbutiantes.
    • Les process de gestion des grands gestionnaires ne savent pas faire la place à ce qu'on appelle le private equity (investir dans les titres de PME ETI non cotées), notamment parce que la liquidité des titres n'est pas bonne.
  • Les choses ne sont pas si simples ni à expliquer ni à comprendre. Raison de plus pour éviter d'asséner au lecteur lambda que les gérants de fonds préfèrent les actions de grands groupes pour sécuriser l'épargne des salariés. Et, au fait, quid de la recherche de performances ?
Pour autant, il reste que l'actionnariat salarié est un bien bel outil pour prendre des risques financiers dans un contexte fiscal avantageux. Ce n'était pas le propos de ce post de critiquer ce dispositif, dangereux pour qui n'en connait pas les tenants et aboutissants.

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