lundi 28 août 2017

Annonces fiscales pour l'épargne salariale

Ce lundi 28 août 2017, sur les ondes de RTL,  le ministre de l'économie Bruno Lemaire a évoqué 2 points fiscaux ayant trait à l'épargne salariale :
    1. "Nous ne toucherons pas à la fiscalité sur l'épargne salariale"
      • Un débat s'était ouvert depuis l'annonce d'une "flat tax" universelle de 30% sur tous les produits financiers issus de l'épargne financière : l'épargne salariale, jusqu'alors exonérée d'impôt sur le revenu, allait-elle être assujettie à cette flat tax ? Rappelons que l'épargne salariale est déjà assujettie aux prélèvements sociaux à hauteur de 15.5%, composant cette flat tax, taux qui va augmenté de 1.7 points au 1er janvier 2018 au titre de la CSG, le taux global qui sera donc appliqué sur les produits de l'épargne salariale sera de 15.5+1.7=17.2%, au lieu de 30%. Les épargnants salariés échappent à 12.8% de taxes sur le fruit de leur épargne, toujours ça de pris !   
      • Les acteurs du marché étaient très inquiets et semblaient partir battus. Un grand gestionnaire avait même commencé à réclamer une hausse du périmètre de l'épargne salariale pour compenser l'attrition de son marché attendue suite à la hausse des prélèvements sur les produits financiers de 15.5% à 30% de l'épargne ! Pour mémoire, la distribution de participation aux résultats aux salariés est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le gestionnaire réclamait un abaissement de ce seuil à 10 salariés. Détails
      • Les propos du ministre paraissent lever le flou : la fiscalité de l'épargne salariale resterait inchangée et la flat tax ne s'appliquerait pas. Le détail de la mesure nous dira si des seuils d'épargne seront introduits ou non pour bénéficier de cette exonération.
    2. Le gouvernement prévoit "une bascule du CICE  en allègements de charges directes, qui va produire une plus grande profitabilité pour les entreprises et une hausse de la réserve de participation, estimée à 1 milliard d'euros."
      • On peut comprendre qu'au lieu de recevoir du CICE, les entreprises qui en bénéficient auront moins de charges à payer. A priori, il s'agit des mêmes montants, comment la profitabilité pourrait-elle augmenter ? Hormis le décalage de trésorerie - le CICE est versé en décalé -, aucun changement en volume a priori.
      • Une baisse des charges sociales ne génère pas automatiquement une hausse de la profitabilité :
        • Des charges sociales moindres pour l'entreprise peuvent être compensées par d'autres charges ou de moindres recettes, qui laisserait la profitabilité inchangée, et donc la réserve spéciale de participation inchangée elle aussi.
      • A la mise en place du CICE, certaines entreprises avaient déjà prévu des mécanismes de répercussion de son montant vers les salariés, notamment avec la mise en place d'accords d'intéressement. 
        • Elles ne compenseront pas deux fois.
      • Une hausse des profits ne génère pas automatiquement une hausse de la réserve de participation :
          • Un certain nombre d'entreprises pilotent déjà leur réserve de participation en utilisant une formule de participation dérogatoire. L'effet mécanique que semble espérer le gouvernement ne jouera pas.
          • De nombreuses entreprises ne versent pas de participation pour des raisons multiples (elles sont structurellement déficitaires ou les éléments entrant dans la formule de calcul annule la participation, ou tout bonnement parce qu'elles n'y sont pas obligées, n'atteignant pas le seuil de 50 salariés). La DARES fournit chaque année le nombre de salariés bénéficiaires de participation : ils étaient 4.5 millions de bénéficiaires en 2015 dans le secteur privé (dernier chiffre publié le 28 août 2017) sur un total de 12.6 millions. Autrement dit, près de 2 salariés sur 3 restent à l'écart de la participation ! La mesure devrait réveiller les jaloux. La prime de participation représentait en effet  1407€ en moyenne pour ceux qui en bénéficient - cette moyenne cachant des extrêmes de quelques euros à près de 30 000€ ! Car en effet, la prime de participation est plafonnée à 3/4 du plafond de la sécurité sociale, et un certain nombre d'entreprises florissantes et bien averties peuvent distribuer de tels montants.
        • Seules les entreprises bénéficiant du CICE seraient concernées a priori. 
          • Or de nombreuses entreprises sont restées à l'écart de ce dispositif CICE : les critères de baisses de charges seront-ils adaptés pour bénéficier à tous les salariés ?
        • L'impact du basculement CICE vers charges est estimé à 1 milliard d'euros. Ce montant peut valablement être rapproché du montant total de la participation versée en 2015 (même source DARES) : près de 6.3 milliards d'euros. 
Une chose paraît probable: l'annonce de la hausse de la participation va créer une attente chez les salariés et leurs représentants directement concernés et aussi chez ceux qui ne bénéficient pas de participation. L'épargne salariale faisant partie des points à négocier annuellement, gageons que le sujet va être mis à l'ordre du jour et discuté âprement dans les mois qui viennent pour vérifier les éléments du calcul de la participation et négocier des mécanimes de compensation tels que l'intéressement collectif.

vendredi 21 juillet 2017

Flat tax sur les revenus du capital : quid de l'épargne salariale ?

Le Gouvernement projette de créer un prélèvement forfaitaire unique de 30 % (prélèvements sociaux inclus) sur les revenus du capital (intérêts, dividendes et plus-values mobilières). 

Il sera important de suivre le sort des produits actuellement exonérés d'impôts sur les produits financiers, tels que les PEE et PERCO.

Attention au passif créé par les mutuelles offertes aux retraités !

Il n'est pas rare de voir des régimes d'entreprise qui prévoient une couverture mutuelle pour leurs anciens salariés retraités, avec couverture du conjoint. Ce type d'engagement peut être très coûteux pour le régime car l'engagement est par essence viager. Mieux vaut y réfléchir à deux fois avant de prévoir de telles dispositions. Et il faut en piloter soigneusement le coût si elle est en place.

mercredi 19 avril 2017

Le risque de monétarisation en "live"

Un gestionnaire de la place, dont nous tairons le nom pas discrétion, a fermé à la souscription certains de ses fonds à capital protégé conçus pour préparer sa retraite. Pourquoi ? Parce qu' "en raison de la faiblesse des taux d'intérêt et afin d'assurer la garantie, l'espérance de rendement du fonds est désormais faible jusqu'à l'échéance le 30 avril 2030". (Extrait du reporting du fonds de mars 2017)

Le 30 avril 2030, c'est quand même dans 13 ans !

Alors, heureux détenteurs de parts de ces fonds à capital protégé, pour préparer votre retraite, il est urgent de sortir de ce fonds, de réfléchir à vos projets et objectifs d'investissement et de souscrire à d'autres fonds.

PER Entreprises vs Perco : les encours des PER E sont toujours de loin les plus importants

La Fédération Française de l'Assurance vient de sortir les chiffres 2016 des encours des Plans d'Epargne Retraite d'Entreprises, anciennement Article 83, et une comparaison avec les chiffres du Perco s'impose.
En bleu le PER E et en orange le Perco.

Le PER E domine encore largement le marché de la retraite d'entreprise, tant en encours qu'en nombre de bénéficiaires (4,1 millions vs 2,2 millions) et surtout, il a augmenté son avance qui passe de 30 milliards en 2007 à 40 milliards en 2016.










mardi 4 avril 2017

Faut-il choisir un fonds à capital protégé comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale ?

La question du choix du fonds par défaut est crucial dans un plan d'épargne salariale. 

En effet, les épargnants salariés tendent à se laisser porter par la solution de placement financier automatique, soit qu'ils trouvent la matière trop compliquée, mal expliquée, inintéressante, ou qu'ils fassent confiance aux négociateurs du plan d'épargne salariale ou à l'employeur lui-même, qui définissent la solution de placement par défaut. En tout état de cause, la responsabilité de l'employeur est importante sur ce sujet délicat et sa responsabilité peut être recherchée par un salarié qui s'estimerait spolié par un fonds qui l'aurait pénalisé.

Face aux piètres performances depuis quelques années des fonds monétaires qui étaient jusqu'à présent le fonds par défaut de la plupart des Plans d’Épargne Entreprise, certains gestionnaires incitent actuellement leurs clients à les abandonner, au profit de fonds apparemment plus efficaces, les fonds à capital protégé. Attention : il s'agit de produits complexes, qui peuvent être décevants pour qui en espère trop.

1 - Qu'est-ce qu'un fonds à capital protégé ?

Un fonds à capital protégé est structuré pour que l'investisseur soit certain de retrouver pendant la période de protection définie une partie de son capital, mais en contrepartie de cet avantage, l'investisseur abandonne au gestionnaire une grande partie des produits financiers du fonds.

Un fonds à capital protégé est structuré en deux parties distinctes comportant chacune :
  1. Un actif dit « risqué », utilisé comme moteur de performance et exposé aux marchés actions et obligations, via des fonds spécialisés,
  2. Un actif dit « non risqué » dont l'objectif est d’assurer la protection du capital en investissant dans des produits monétaires et/ou obligataires, via des fonds spécialisés.
Par construction, un tel fonds est très sensible aux crises boursières, et comme celles-ci sont récurrentes, ce genre de fonds est très souvent décevant. Voici pourquoi :
  • Le gestionnaire adosse la partie principale du fonds sur des supports à risques très faibles, en parallèle, il couvre cette partie garantie du fonds par un contrat d'assurance de portefeuille,
  • En parallèle, il prend des risques sur l'autre partie du fonds, afin de dégager du rendement. Mais dès qu'une crise boursière intervient, ce coussin se dégonfle plus ou moins brutalement, il n'a plus d'actif risqué à gérer.
  • Comme le gestionnaire est tenu par sa promesse, il cesse de prendre des risques et se contente de suivre la partie non risquée. On dit alors que le fonds est "monétarisé" - géré uniquement en monétaire. 
  • L'épargnant détenteur de parts de ce fonds recevra son épargne selon la promesse faite.
  • Or, la gestion d'un tel fonds est très coûteuse, bien plus couteuse qu'un fonds sans promesse car elle fait intervenir plusieurs types d'équipes de gestionnaires et de contrôleurs pour tenir la promesse.
  • Plusieurs études montrent que ces fonds sont moins rentables à terme qu'un fonds classique équilibré, certes dépourvu de l'attrait d'une promesse. La prise de risque par l'épargnant lui-même est rémunératrice. A contrario, l'achat d'une garantie est très/trop couteuse.

Approche du risque des fonds à formule utilisés en épargne salariale sur un exemple concret

Prenons l'exemple d'un fonds à capital protégé très connu sur le marché de l'épargne salariale, le fonds "Amundi Protec 90 ESR", (avec le sigle "ESR" signifiant "Épargne Salariale et Retraite",et non pas Épargne Socialement Responsable comme le pensent certain-e-s !). Ce fonds garantit à l'épargnant de retrouver à tout moment 90% de la plus élevée des valeurs liquidatives du fonds, sur une durée limitée.

Il est instructif de lire attentivement le DICI du fonds "Amundi Protect 90 ESR", Document d'Informations Clés pour l'Investisseur, dont voici un extrait édifiant:

"L'objectif de gestion du FCPE est de protéger le capital à hauteur de 90 % de de la plus élevée des valeurs liquidatives durant la période allant du 14 novembre 2008 au 18 novembre 2021 inclus (la « période de protection »).

Pour y parvenir, l’équipe de gestion ajuste à tout moment la répartition entre l’actif risqué et l'actif non risqué en fonction notamment de l'évolution des marchés. 


Dans ce cadre, il peut exister un risque de « monétarisation » : en fonction des marchés, la part de l'actif risqué peut devenir nulle ; le fonds délivrerait alors une performance liée au marché monétaire et/ou obligataire et ne profiterait pas d’un éventuel rebond des actifs risqués. En fonction de l’évolution des actifs non risqués, cette situation pourra être temporaire ou durer jusqu’à l’échéance du fonds."

Le règlement du fonds, en page 2/12, fournit des explications complémentaires au DICI sur son rendement : 

"Pour bénéficier de la protection, réalisée grâce à une gestion dynamique de l’allocation entre Actifs Risqués et Actifs dits Non Risqués, les investisseurs acceptent de ne bénéficier que partiellement de la hausse du portefeuille d’OPCVM et/ou FIVG constituant les Actifs Risqués."

2 - Quelle utilité des fonds à capital protégé comme fonds par défaut en épargne salariale ?

On l'a expliqué ci-dessus, un fonds à capital protégé est un produit complexe à appréhender :
  • L'épargnant est assuré de récupérer, à tout moment, au minimum 90 % de la valeur liquidative record atteinte depuis le lancement du fonds. 
  • Dans le cas le plus défavorable, il perd 10 % de son épargne (plus les frais) et son épargne est gérée sur un support monétarisé.
C'est un produit compliqué à présenter aux salariés. Nous entendons souvent les fonds type Protec 90 être présentés abusivement comme :
  • des "Fonds à capital garanti" alors que la garantie n'est que partiellement garantie et encore, dans l'exemple du fonds Protec 90, la garantie porte sur 90% de la plus forte valeur liquidative, diminuée des frais de souscription,
  • des "Fonds à rendement garanti", alors que le rendement n'est pas garanti, seul le capital l'est, et partiellement.
Dans ses propos, l'employeur doit veiller à délivrer une information exacte, claire et non trompeuse.

Nous avons expliqué dans un article précédent pourquoi il est préférable de choisir comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale à 5 ans non plus un fonds monétaire mais un fonds équilibré 50% actions 50% obligations.

Voici la comparaison des performances de la moyenne de fonds diversifiés élaborée par l'Association Française de Gestion avec le fonds Protec90 :


Sur 3 et 5 ans, la performance moyenne des fonds diversifiés est nettement supérieure à celle du fonds Protec 90. Naturellement, cette surperformance est obtenue au prix d'une volatilité très supérieure.

Il nous paraît plus intéressant de choisir une gestion diversifiée classique à un fonds à capital protégé.

lundi 3 avril 2017

Faut-il bannir le fonds monétaire des plans d'épargne entreprise ?

La réponse est non ! Il ne faut pas supprimer les fonds monétaires des plans d'épargne salariale, ni transformer n'importe comment les fonds monétaires en fonds plus dynamiques.
Nous rappelons ici (1) les quelques principes de base de la gestion d'un fonds et de sa surveillance, pour montrer comment il peut être tentant et facile de modifier les règles de gestion des fonds pour un gestionnaire, avec un exemple tout récent (2). Puis nous rappelons les éléments de base d'une gestion de patrimoine efficace, qui utilise toujours un fonds à très faible risque comme le monétaire (3). Enfin, conscientes de l'ineptie d'une gestion longue en monétaire, ce qui semble être fréquemment le cas depuis de nombreuses années, nous proposons de modifier le fonctionnement des plans d'épargne, qui prévoient trop souvent un placement par défaut en monétaire (4).
Nous ne traitons ici que l'épargne salariale placée à horizon normal de 5 ans sur les PEE plans épargne d'entreprise, les PEG plans d'épargne de groupe et les PEI plan d'épargne interentreprises, qui rassemblent la très grande majorité de l'épargne salariale (110 milliards € sur les 123 milliards € au total fin 2016, la différence étant représentée par le PERCO, dédié uniquement à l'épargne retraite, produit plus récent et dont les règles de construction de gammes de fonds et de placement par défaut ont été plus soignées que les vieux PEE et consorts.

Nous n'envisageons ici que les fonds d'épargne salariale sous forme de FCPE - fonds commun de placement d'entreprise - à surveillance paritaire par les épargnants (toujours majoritaires) et les représentants de l'employeur.

1 - Les règles de gestion des fonds d'épargne salariale et leur surveillance

Rappelons que l'argent placé sur les fonds d'épargne salariale appartient aux épargnants salariés, ceux-ci sont seuls maitres pour choisir les fonds sur lesquels investir leur épargne, parmi une gamme qui leur est proposée dans les plans de leur employeur.

Comme tout fonds, un fonds d'épargne salariale est géré selon des règles définies précisément, résumées à l'attention des salariés épargnants dans un "DICI", Document d'Information Clé pour l'Investisseur et détaillées dans le règlement du fonds.

Par règles de gestion, il faut entendre l'orientation de gestion - le type d'actifs que le gestionnaire est autorisé à acquérir avec l'épargne des investisseurs, comment il peut les acquérir (en direct ou via d'autres fonds eux-mêmes investis dans ces actifs), le style de gestion qu'il va pouvoir suivre, l'indice de référence qu'il doit suivre ou pas.

Naturellement, les règles de gestion d'un fonds et notamment son orientation de gestion sont stables dans le temps. C'est l'investisseur qui doit changer de fonds pour changer l'orientation de gestion de son épargne et non l'inverse, en tout cas dans la plupart des fonds.

L'orientation de gestion d'un fonds peut être cependant modifiée, mais exceptionnellement. Selon l'ampleur de la modification d'une part et les règles de gouvernance du fonds d'autre part, l'organe de gouvernance du fonds - c'est-à-dire son conseil de surveillance - est appelé à voter une résolution qui modifie le règlement, celui-ci devant ensuite être agréé par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Ensuite, les épargnants sont prévenus du changement opéré et peuvent déplacer leur épargne si la nouvelle orientation de gestion du fonds choisie ne leur convient pas.

En pratique, en épargne salariale, et tout particulièrement pour les fonds multi-entreprises, l'exercice de la gouvernance des fonds laisse à désirer : les représentants des épargnants et des employeurs au conseil de surveillance du fonds - quand ils sont effectivement désignés, ce qui est rare - sont très peu nombreux à exercer leur droit de vote. Après tout, en cas de changement à leur insu, les épargnants n'auraient qu'à s'en prendre à leur employeur et à leurs représentants dans les fonds d'épargne salariale qui ne remplissent pas ou mal leur mission de surveillance.

La règlementation des fonds est à la fois si complexe et si floue dans son application pratique qu'elle permet à un gestionnaire de changer l'orientation de gestion d'un fonds sans avoir à recueillir l'assentiment des épargnants, et en se contentant d'envoyer un simple courrier aux porteurs de parts et aux membres des conseils de surveillance des fonds.

2- Un cas récent de changement de gestion mené sans concertation avec les représentants des épargnants

Récemment, Amundi, le plus gros gestionnaire de la place, a décidé de modifier l'orientation de gestion de tous les fonds monétaires d'épargne salariale de ses clients, soit 5 milliards € d'épargne, selon Newsmanagers. La décision d'Amundi : prendre plus de risques dans ces fonds dans l'espoir de dégager des performances meilleures : en pratique, rajouter des obligations court terme via des fonds spécialisés. Comme le permettent les règlement des fonds et la règlementation AMF, Amundi a pu opérer ce changement après l'envoi d'une simple lettre d'information aux épargnants et aux membres des conseils de surveillance des fonds. Par là, des épargnants voient leur épargne investie dans des supports plus risqués que ce qu'ils avaient choisi (délibérément ou en se laissant portés par les options de placement par défaut prévues par les plans).

A priori, une telle opération est critiquable: le gestionnaire change la règle de gestion en s'appuyant sur la faiblesse de la gouvernance des fonds et peut ainsi emporter l'épargnant dans un mouvement qui le dépasse, quand bien même un courrier lui rappelle qu'il est libre de changer de fonds. Nous désapprouvons de telles pratiques et pensons qu'il est possible de mieux traiter l'épargnant.

Les représentants d'Amundi ont expliqué à la presse (article Le Monde du 31 mars 2017) leurs motifs: ils s'estimaient en risque de défaut de conseil face à des épargnants salariés qui pourraient leur reprocher leurs piètres performances - il est vrai que les fonds monétaires affichent un rendement proche de zéro depuis plusieurs années - alors qu'ils n'avaient pas réussi à démontrer à ces mêmes épargnants leur intérêt à quitter ces fonds monétaires et à arbitrer vers des fonds plus dynamiques, supposés plus rentables dans un horizon moyen-long terme.

Sans faire de procès d'intention, rappelons ici que tout vendeur de fonds est en conflit d’intérêt lorsqu'il conseille d'arbitrer entre des fonds. Tout conseil qu'il délivrera en faveur d'un fonds autre que le monétaire pourra être terni d'arrière-pensées commerciales dans la mesure où les marges de profit du gestionnaire sont les plus fortes que le produit est risqué, c'est-à-dire que la part des actions dans le fonds est plus forte. Pour être clair : les fonds en actions rapportent très sensiblement plus au gestionnaire qu'un fonds monétaire.

3- Faut-il bannir le fonds monétaire des gammes de fonds proposées en épargne salariale ? Non !

L'opération d'Amundi revient à bannir une gestion monétaire pure en épargne salariale. Rappelons que la gestion en fonds monétaire pure est la moins risquée qui puisse être proposée, hormis l'épargne règlementée de type Livret A (0.75% par an actuellement) ou équivalent, toujours accessible mais en se privant des exonérations d'impôt sur le revenu sur ses primes d'intéressement ou de participation.

Il faut continuer à offrir la possibilité aux épargnants salariés de placer leur épargne dans des fonds à risque très faible, qui restent un outil précieux dans la gestion de leur patrimoine.

A l'approche d'un cas de déblocage de son épargne, il est recommandé de sécuriser son épargne pour ajuster au mieux le montant d'épargne qui va être récupéré et le montant d'argent nécessaire au financement de son projet. Rappel : tant que l'argent est investi : il est en risque, ce risque doit être minimisé, ce que permet précisément de faire un placement en fonds monétaire.

 4- Comment éviter que les salariés choisissent à mauvais escient un fonds monétaire ?

Les gestionnaires rappellent volontiers que les épargnants salariés tendent à rester placés très longtemps en monétaire et ils déplorent que les avoirs en monétaire représentent près du tiers de l'encours total en épargne salariale à fin 2016, selon l'Association Française de Gestion.

Le mécanisme pervers du fonds par défaut explique vraisemblablement une grande partie de la sur-représentation du fonds monétaire.

Actuellement, dans la très grande majorité des PEE, PEG ou PEI en France, le fonds par défaut est le fonds monétaire, ce qui est incohérent et anti-pédagogique, puisque ces plans ont leur terme normal à 5 ans (Moyen terme) et permettent aux épargnants de maintenir leur épargne investie au delà.

La logique commande de prévoir un fonds à horizon de placement Moyen terme comme placement par défaut, soit un fonds diversifié ou équilibre de type 50% actions-50% obligations, voire mieux encore, en gestion pilotée par horizon de placement (qui utilise habituellement 3 fonds à niveau de risque progressif sécurité/équilibre/dynamique).

L'épargnant qui sait être en mesure de récupérer son épargne avant le terme normal de 5 ans au motif d'un déblocage anticipé est alors responsable de choisir un fonds en fonction de son propre horizon de placement et sa propre acceptation du risque. La démarche d'arbitrage du fonds par défaut équilibré vers un fonds sécurisé devient pédagogique. L'effet-colle du fonds par défaut disparait.

Notre recommandation traite seulement le cas des flux futurs en épargne salariale.

Le coup de force d'AMUNDI, qui réussit à convertir le stock d'épargne en monétaire, apparaît tout à la fois magistral pour son compte de résultat et délétère pour l'épargnant insouciant.




vendredi 31 mars 2017

L'épargne salariale, un vrai produit financier !

La Semaine de l'Epargne Salariale s'achève, initiée par quelques institutions de la place (DGT, AMF, AFG, IEFP, CIES ...) et relayée par tous les gestionnaires. Laissons de côté les avantages fiscaux sociaux et les vertus mobilisatrices des salariés et arrêtons-nous un instant sur les placements financiers de l'épargne salariale.

L'épargne salariale est un vrai produit financier, avec tous les risques & opportunités afférents
La règlementation permet de proposer une gamme de fonds, du moins risqué (le fonds monétaire pur) au plus risqué (le fonds en actions de l'entreprise - car mono actions), en passant par des fonds obligataires purs, actions purs, sectoriels, géographiques, à mode de gestion passive, indicielle, ou active, de conviction ....
Le plus souvent, le salarié doit choisir entre 5 ou 6 fonds plus ou moins risqués qui sont accessibles dans son PEE ou dans son PERCO.

1er sujet : le salarié est livré à lui même pour choisir le.s fonds qui correspond.ent à ses attentes - conscientes ou inconscientes - et à ses moyens.

A cet égard, partons du principe que tous les fonds proposés sont en tant que tels de bonne qualité et sont bien gérés.

La question est pour le salarié de trouver le fonds qui lui va bien, comme lorsqu'on cherche un vêtement, il faut qu'il soit à la bonne taille, que la couleur convienne à son teint, que le style soit en cohérence avec l'usage que la personne en fera - elle serait ridicule à porter une robe de soirée pour aller faire ses courses au marché, quand bien même la robe lui sied à merveille.
Pas si simple de savoir si un vêtement vous va bien. Certains savent d'instinct, d'autres se plantent lamentablement. On sait à quel point un conseil bien avisé peut re-looker une personne - gommer son ventre replet, son cou trop long/court, éclaircir son teint cireux ! En matière de placement financier, c'est la même chose.

On entend trop souvent :
  • "Ce fonds est bon, mon collègue en a pris, il me l'a dit" et voilà comment on enfourche un fonds trop dynamique alors qu'un cas de sortie se présente
  • "Ce fonds est nul, l'an dernier il était négatif". Peut-être, mais c'est tout le marché qui était contre-performant, et ce fonds là était plutôt pas mal, dommage de le rejeter.
  •  "Je n'y comprends rien dans tous ces trucs, je ne veux prendre aucun risque". Et la salarié choisit du monétaire et y reste indéfiniment.
De plus, une fois installés sur un fonds, très peu de salariés effectuent une gestion dynamique de leur épargne :
  • ils ne préparent pas les déblocage et omettent d'arbitrer des fonds risqués vers des fonds à risque faible,
  • ils ne reviennent pas sur un placement d'attente pour le dynamiser.
Pourtant, tous les gestionnaires proposent des arbitrages gratuits. Les statistiques de marché montrent que les arbitrages sont très peu utilisés.

La question est : qui peut aider le salarié à réfléchir sur ses besoins ? La réponse : ni l'employeur ni les partenaires sociaux ni ses collègues ne sont habilités à l'aider, ni le teneur de compte d'épargne salariale, car ils ne sont pas conseillers en investissements financiers, ce qui implique d'avoir un statu spécial et d'effectuer un audit patrimonial préalable au conseil en placement.
Le salarié est libre de recourir à un professionnel agréé, il veillera alors à sa parfaite indépendance : son mode de rémunération ne doit pas l'inciter à conseiller des fonds actions, plus rémunérateurs pour lui [les commissions sont plus grosses], alors le salarié va bientôt avoir besoin de récupérer ses avoirs.

Le salarié peut utiliser les outils que lui propose son gestionnaire sur le site Internet : évaluer son profil d'investisseur, choisir le fonds ad hoc, faire des arbitrages.

Le hic est que le salarié est souvent passif au point de se laisser embarquer sur les solutions de placement "par défaut", à savoir, le fonds qui est choisi par les signataires du plan d"épargne pour investir les versements du salarié lorsqu'il ne donne aucune consigne préciser. Or, sur un PEE, ce fonds est presque toujours le fonds le moins risqué de la gamme, c'est à dire le fonds monétaire.

Or, les fonds monétaires sont très peu rentables voire négatifs depuis quelques années. Laisser son argent sur un fonds monétaire revient à perdre du pouvoir d'achat. Ce n'est pas rationnel. Comme évoqué, les salariés épargnants sont négligents avec leur épargne, ils ne choisissent pas les fonds, ne les connaissent pas. Au niveau national, sur les 120 milliards € d'épargne salariale, près de 40 milliards sont investis en fonds monétaire. Les gestionnaires s'alarment de cette situation et tentent des opérations de pédagogie pour convertir les épargnants passifs en épargnants dynamiques, mais ça ne fonctionne pas.

Du coup, certains gestionnaires vont jusqu'à supprimer les fonds monétaires des gammes proposés aux salariés et incitent à fixer un fonds par défaut plus exposé au risque (souvent au risque de taux). Mettons que ça parte d'un bon sentiment !!! Ou alors mettons que ces gestionnaires soient lassés de voir une trop forte proportion de leurs encours sous gestion sur des supports qui leur rapporte très peu (les fonds monétaires sont peu chargés en frais de gestion - en principe, et pendant quelques années, beaucoup des gestionnaires ont été jusqu'à payer ces frais de gestion sur leur propre marge, afin de ne pas afficher des performances négatives aux fonds si prisés par leur clientèle.

Ne plus avoir de fonds monétaire revient à empêcher un salarié de protéger son épargne à l'approche d'un déblocage, c'est déraisonnable.

Mais plus douteux encore, certains gestionnaires décident de changer l'orientation de gestion des fonds monétaires et de leur donner un petit coup de dynamisme en y adjoignant des obligations à court terme. Soyons clairs : l'épargne des salariés change de type de gestion parce que le fonds change lui-même d'orientation de gestion. Cette manipulation se fait en informant les salariés épargnants d'une lettre circulaire, alors que les membres des conseils de surveillance des fonds peuvent ou non être amenés à voter le changement. A cet égard, le respect des bonnes règles de gouvernance est sujet à caution : les porteurs de parts (= les épargnants) et les employeurs sont très peu enclins à siéger à ces conseils et les gestionnaires après 3 convocations voient les résolutions proposées acceptées de fait.

Lire cet article édifiant sur la conversion de 5 milliards € de fonds monétaire













mercredi 15 mars 2017

Hors actionnariat salarié, les fonds monétaires représentent 1/3 de l'épargne des salariés : une moyenne qui cache des disparités entre gamme de fonds multi et gamme de fonds de groupe (ou dédiés)

Au 30 juin 2016, 25 milliards d'euros sont investis par les salariés sur des fonds monétaires, soit 41% pour les gammes de fonds multi entreprises et seulement 22% pour les gammes de fonds de groupe ou dédiées.

Comment expliquer un tel écart ?
  •  Les salariés ayant accès à une gamme de fonds multi entreprises seraient-ils beaucoup plus conservateurs dans leurs investissements que les salariés bénéficiant d'une gamme de fonds dédiés ?
  •  La proximité des salariés avec les membres des conseils de surveillance des FCPE de groupe (ou dédiés)  favoriserait-elle la communication, notamment la transmission des recommandations des gestionnaires de vendre le monétaire qui ne rapportent plus rien depuis plusieurs années ?
  • Les membres des conseils de surveillance se sentiraient-ils plus impliqués pour les gamme de fonds de groupe que pour les gammes multi entreprises ?
Nous n'avons pas de réponses à cette question. Et vous, qu'en pensez-vous ?




mardi 24 janvier 2017

Près d'un milliard d'épargne salariale en déshérence

Le ministère de l'économie vient de publier un dossier de presse qui fait le point sur le traitement de l'épargne en déshérence rendu obligatoire par la loi Eckert et notamment l'épargne salariale.

938 millions d’euros, soit 25% du total de l'épargne en déshérence, proviennent de l’épargne salariale (Plan Epargne Entreprise) et ont été transférés à la Caisse des Dépôts au 31 décembre 2016 par les gestionnaires. Ces sommes sont à la disposition de leurs bénéficiaires pendant 30 ans maintenant.

Pour mémoire, les gestionnaires sont tenus de recenser les comptes inactifs
Les comptes d’épargne salariale sont considérés comme inactifs après 5 ans consécutifs sans mouvement ou sans aucune manifestation de leur titulaire sous quelque forme que ce soit.

Et si l’inactivité perdure, les sommes sont consignées
Après 10 ans d’inactivité et sans manifestation de la part du titulaire du compte, celui-ci doit être prévenu que la clôture de son compte interviendra dans un délai de 6 mois. A cette échéance, les fonds correspondants sont transférés à la Caisse des Dépôts, où ils sont disponibles durant 30 ans.

Quoi penser de ce quasi milliard d'épargne salariale consigné in 2016 ?
  • ce milliard concerne 408 000 personnes, pour un encours moyen par personne de 2299 euros. Ce montant est nettement plus élevé que pour les autres produits d'épargne (respectivement 545€ pour les comptes bancaires et 1533€ pour l'assurance-vie).
  • Milliard à rapprocher de l'encours total de l'épargne salariale qui s'élevait à 117 milliards mi 2016, soit 0.8% d'épargne perdue de vue par les épargnants salariés.
Pour rechercher et récupérer de l'épargne salariale éventuellement consignée : le site ciclade






mardi 17 janvier 2017

Piloter un "Healthcare plan" : carotte et bâton à l'américaine

Voici comment un assureur et un employeur peuvent s'entendre pour (tenter de) maîtriser les dérives d'un régime de santé d'une grande entreprise aux USA :
  • Chaque année, le salarié - et son conjoint s'il est couvert aussi - doit passer une visite médicale chez son médecin référent (le plus souvent dans un centre médical), faire une analyse de sang et contrôler son indice de masse corporelle. 
  • 5 points sont contrôlés et comparés à une norme, elle-même pondérée par l'âge et le sexe notamment
  • Chaque adulte doit obtenir au moins la moyenne sur 3 des 5 points. A défaut, il doit payer un supplément de 700 € sur son assurance annuelle ! (654 € actuellement)
  • Mais la personne peut montrer son désir de s'amender et ainsi alléger voire supprimer la pénalité financière. Elle obtient des points par exemple en s'inscrivant à un cours de gym et en fournissant ses performances sportives via un smartphone connecté.
  • Indépendamment de ce programme de contrôle, tout assuré doit obligatoirement mener au moins 2 opérations de dépistage par an dans une liste qui lui est proposée selon son sexe et son âge.
Est-ce que ces mesures sont efficaces pour améliorer la santé de la population concernée ? Je n'ai pas d'infos sur l'équilibre du régime en question. Il semblerait que les salariés soient collectivement concernés par leur santé et participent volontiers aux activités sportives et bien-être proposées par l'employeur régulièrement.

De telles mesures pourraient-elles être acclimatées en France ? Non, en tout cas pas pour les salariés, dont la cotisation doit être uniforme, sous peine de perdre le bénéfice des exonérations sociales. L'assureur Générali a lancé fin 2016 une offre fonctionnant à l'inverse : l'assuré à des cadeaux s'il respecte un certain nombre de critères (faire de la gym...), mais la cotisation reste uniforme.

En revanche, un régime français devrait pouvoir instaurer ce type de mesure aux conjoints. Mais la mesure pourrait être difficile à faire passer, pour un levier relativement minime - avec la généralisation des couvertures santé, les conjoints sont couverts s'ils ont un emploi. Par ailleurs les assureurs français devraient s'organiser pour exploiter les résultats médicaux et envoyer des appels de cotisation. A creuser.

Manuèle

jeudi 12 janvier 2017

Primes de panier et de transport & Maintien de salaire

La Cour de Cassation vient de trancher par la négative une question fréquente : les primes de panier ou de transport doivent-elles être ajoutées au salaire pour déterminer l'assiette de calcul du maintien de salaire en cas de maladie ou d'accident ?

L'argument cette fois est simple, logique et parfaitement compréhensible : ces éléments sont des remboursements de frais et non pas des compléments de salaire, bien qu'ils puissent être forfaitaires et que leur remboursement ne soit soumis à la production d’aucun justificatif.Cass. soc. 11 janvier 2017 n°15-23341

Le hic est que la CC avait pu dans un passé récent répondre par l'affirmative. Pas évident de se faire une religion.

Manuèle

jeudi 5 janvier 2017

Information obligatoire des bénéficiaires d'une retraite d'entreprise

L'ACPR précise qu'une disposition de la loi Sapin II rend désormais obligatoire l’information annuelle des bénéficiaires d’une retraite supplémentaire ayant atteint l’âge de départ à la retraite.

En pratique, les assureurs gestionnaires de plans article 83 et 39 doivent donc envoyer chaque année aux bénéficiaires âgés de plus de 62 ans (?) un courrier leur rappelant l'existence du contrat et les modalités de liquidation de la rente.

Il semblerait qu'un certain nombre de bénéficiaires de ce type de retraite tardent à demander la liquidation de cette retraite, quand bien même ils auraient liquidé leurs pensions de retraite Sécurité sociale et complémentaires Arrco / Agirc. Ils laisseraient ainsi l'épargne fructifier sur des fonds à taux garanti, et à leur décès, les sommes sont transmises aux héritiers en franchise de droit de succession. Cette attitude s'analyse comme une forme d'évasion fiscale, les personnes évitant de convertir leur épargne en rente viagère qui fiscalement est assujettie sous le régime normal, comme un salaire. Prochaine étape : liquidation obligatoire à l'âge normal de départ en retraite SS au taux plein (67 ans actuellement) ?

Manuèle


lundi 2 janvier 2017

Orthoptiste / Optométriste : même métier ?

En juin 2014, une proposition de loi a été déposée pour créer un nouveau métier : orthoptiste-optométriste, niveau Bac + 5, pour tenter notamment de désencombrer les cabinets des ophtalmologistes.
Qu'en est-il ?
Manuèle