mercredi 19 avril 2017

Le risque de monétarisation en "live"

Un gestionnaire de la place, dont nous tairons le nom pas discrétion, a fermé à la souscription certains de ses fonds à capital protégé conçus pour préparer sa retraite. Pourquoi ? Parce qu' "en raison de la faiblesse des taux d'intérêt et afin d'assurer la garantie, l'espérance de rendement du fonds est désormais faible jusqu'à l'échéance le 30 avril 2030". (Extrait du reporting du fonds de mars 2017)

Le 30 avril 2030, c'est quand même dans 13 ans !

Alors, heureux détenteurs de parts de ces fonds à capital protégé, pour préparer votre retraite, il est urgent de sortir de ce fonds, de réfléchir à vos projets et objectifs d'investissement et de souscrire à d'autres fonds.

PER Entreprises vs Perco : les encours des PER E sont toujours de loin les plus importants

La Fédération Française de l'Assurance vient de sortir les chiffres 2016 des encours des Plans d'Epargne Retraite d'Entreprises, anciennement Article 83, et une comparaison avec les chiffres du Perco s'impose.
En bleu le PER E et en orange le Perco.

Le PER E domine encore largement le marché de la retraite d'entreprise, tant en encours qu'en nombre de bénéficiaires (4,1 millions vs 2,2 millions) et surtout, il a augmenté son avance qui passe de 30 milliards en 2007 à 40 milliards en 2016.










mardi 4 avril 2017

Faut-il choisir un fonds à capital protégé comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale ?

La question du choix du fonds par défaut est crucial dans un plan d'épargne salariale. 

En effet, les épargnants salariés tendent à se laisser porter par la solution de placement financier automatique, soit qu'ils trouvent la matière trop compliquée, mal expliquée, inintéressante, ou qu'ils fassent confiance aux négociateurs du plan d'épargne salariale ou à l'employeur lui-même, qui définissent la solution de placement par défaut. En tout état de cause, la responsabilité de l'employeur est importante sur ce sujet délicat et sa responsabilité peut être recherchée par un salarié qui s'estimerait spolié par un fonds qui l'aurait pénalisé.

Face aux piètres performances depuis quelques années des fonds monétaires qui étaient jusqu'à présent le fonds par défaut de la plupart des Plans d’Épargne Entreprise, certains gestionnaires incitent actuellement leurs clients à les abandonner, au profit de fonds apparemment plus efficaces, les fonds à capital protégé. Attention : il s'agit de produits complexes, qui peuvent être décevants pour qui en espère trop.

1 - Qu'est-ce qu'un fonds à capital protégé ?

Un fonds à capital protégé est structuré pour que l'investisseur soit certain de retrouver pendant la période de protection définie une partie de son capital, mais en contrepartie de cet avantage, l'investisseur abandonne au gestionnaire une grande partie des produits financiers du fonds.

Un fonds à capital protégé est structuré en deux parties distinctes comportant chacune :
  1. Un actif dit « risqué », utilisé comme moteur de performance et exposé aux marchés actions et obligations, via des fonds spécialisés,
  2. Un actif dit « non risqué » dont l'objectif est d’assurer la protection du capital en investissant dans des produits monétaires et/ou obligataires, via des fonds spécialisés.
Par construction, un tel fonds est très sensible aux crises boursières, et comme celles-ci sont récurrentes, ce genre de fonds est très souvent décevant. Voici pourquoi :
  • Le gestionnaire adosse la partie principale du fonds sur des supports à risques très faibles, en parallèle, il couvre cette partie garantie du fonds par un contrat d'assurance de portefeuille,
  • En parallèle, il prend des risques sur l'autre partie du fonds, afin de dégager du rendement. Mais dès qu'une crise boursière intervient, ce coussin se dégonfle plus ou moins brutalement, il n'a plus d'actif risqué à gérer.
  • Comme le gestionnaire est tenu par sa promesse, il cesse de prendre des risques et se contente de suivre la partie non risquée. On dit alors que le fonds est "monétarisé" - géré uniquement en monétaire. 
  • L'épargnant détenteur de parts de ce fonds recevra son épargne selon la promesse faite.
  • Or, la gestion d'un tel fonds est très coûteuse, bien plus couteuse qu'un fonds sans promesse car elle fait intervenir plusieurs types d'équipes de gestionnaires et de contrôleurs pour tenir la promesse.
  • Plusieurs études montrent que ces fonds sont moins rentables à terme qu'un fonds classique équilibré, certes dépourvu de l'attrait d'une promesse. La prise de risque par l'épargnant lui-même est rémunératrice. A contrario, l'achat d'une garantie est très/trop couteuse.

Approche du risque des fonds à formule utilisés en épargne salariale sur un exemple concret

Prenons l'exemple d'un fonds à capital protégé très connu sur le marché de l'épargne salariale, le fonds "Amundi Protec 90 ESR", (avec le sigle "ESR" signifiant "Épargne Salariale et Retraite",et non pas Épargne Socialement Responsable comme le pensent certain-e-s !). Ce fonds garantit à l'épargnant de retrouver à tout moment 90% de la plus élevée des valeurs liquidatives du fonds, sur une durée limitée.

Il est instructif de lire attentivement le DICI du fonds "Amundi Protect 90 ESR", Document d'Informations Clés pour l'Investisseur, dont voici un extrait édifiant:

"L'objectif de gestion du FCPE est de protéger le capital à hauteur de 90 % de de la plus élevée des valeurs liquidatives durant la période allant du 14 novembre 2008 au 18 novembre 2021 inclus (la « période de protection »).

Pour y parvenir, l’équipe de gestion ajuste à tout moment la répartition entre l’actif risqué et l'actif non risqué en fonction notamment de l'évolution des marchés. 


Dans ce cadre, il peut exister un risque de « monétarisation » : en fonction des marchés, la part de l'actif risqué peut devenir nulle ; le fonds délivrerait alors une performance liée au marché monétaire et/ou obligataire et ne profiterait pas d’un éventuel rebond des actifs risqués. En fonction de l’évolution des actifs non risqués, cette situation pourra être temporaire ou durer jusqu’à l’échéance du fonds."

Le règlement du fonds, en page 2/12, fournit des explications complémentaires au DICI sur son rendement : 

"Pour bénéficier de la protection, réalisée grâce à une gestion dynamique de l’allocation entre Actifs Risqués et Actifs dits Non Risqués, les investisseurs acceptent de ne bénéficier que partiellement de la hausse du portefeuille d’OPCVM et/ou FIVG constituant les Actifs Risqués."

2 - Quelle utilité des fonds à capital protégé comme fonds par défaut en épargne salariale ?

On l'a expliqué ci-dessus, un fonds à capital protégé est un produit complexe à appréhender :
  • L'épargnant est assuré de récupérer, à tout moment, au minimum 90 % de la valeur liquidative record atteinte depuis le lancement du fonds. 
  • Dans le cas le plus défavorable, il perd 10 % de son épargne (plus les frais) et son épargne est gérée sur un support monétarisé.
C'est un produit compliqué à présenter aux salariés. Nous entendons souvent les fonds type Protec 90 être présentés abusivement comme :
  • des "Fonds à capital garanti" alors que la garantie n'est que partiellement garantie et encore, dans l'exemple du fonds Protec 90, la garantie porte sur 90% de la plus forte valeur liquidative, diminuée des frais de souscription,
  • des "Fonds à rendement garanti", alors que le rendement n'est pas garanti, seul le capital l'est, et partiellement.
Dans ses propos, l'employeur doit veiller à délivrer une information exacte, claire et non trompeuse.

Nous avons expliqué dans un article précédent pourquoi il est préférable de choisir comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale à 5 ans non plus un fonds monétaire mais un fonds équilibré 50% actions 50% obligations.

Voici la comparaison des performances de la moyenne de fonds diversifiés élaborée par l'Association Française de Gestion avec le fonds Protec90 :


Sur 3 et 5 ans, la performance moyenne des fonds diversifiés est nettement supérieure à celle du fonds Protec 90. Naturellement, cette surperformance est obtenue au prix d'une volatilité très supérieure.

Il nous paraît plus intéressant de choisir une gestion diversifiée classique à un fonds à capital protégé.

lundi 3 avril 2017

Faut-il bannir le fonds monétaire des plans d'épargne entreprise ?

La réponse est non ! Il ne faut pas supprimer les fonds monétaires des plans d'épargne salariale, ni transformer n'importe comment les fonds monétaires en fonds plus dynamiques.
Nous rappelons ici (1) les quelques principes de base de la gestion d'un fonds et de sa surveillance, pour montrer comment il peut être tentant et facile de modifier les règles de gestion des fonds pour un gestionnaire, avec un exemple tout récent (2). Puis nous rappelons les éléments de base d'une gestion de patrimoine efficace, qui utilise toujours un fonds à très faible risque comme le monétaire (3). Enfin, conscientes de l'ineptie d'une gestion longue en monétaire, ce qui semble être fréquemment le cas depuis de nombreuses années, nous proposons de modifier le fonctionnement des plans d'épargne, qui prévoient trop souvent un placement par défaut en monétaire (4).
Nous ne traitons ici que l'épargne salariale placée à horizon normal de 5 ans sur les PEE plans épargne d'entreprise, les PEG plans d'épargne de groupe et les PEI plan d'épargne interentreprises, qui rassemblent la très grande majorité de l'épargne salariale (110 milliards € sur les 123 milliards € au total fin 2016, la différence étant représentée par le PERCO, dédié uniquement à l'épargne retraite, produit plus récent et dont les règles de construction de gammes de fonds et de placement par défaut ont été plus soignées que les vieux PEE et consorts.

Nous n'envisageons ici que les fonds d'épargne salariale sous forme de FCPE - fonds commun de placement d'entreprise - à surveillance paritaire par les épargnants (toujours majoritaires) et les représentants de l'employeur.

1 - Les règles de gestion des fonds d'épargne salariale et leur surveillance

Rappelons que l'argent placé sur les fonds d'épargne salariale appartient aux épargnants salariés, ceux-ci sont seuls maitres pour choisir les fonds sur lesquels investir leur épargne, parmi une gamme qui leur est proposée dans les plans de leur employeur.

Comme tout fonds, un fonds d'épargne salariale est géré selon des règles définies précisément, résumées à l'attention des salariés épargnants dans un "DICI", Document d'Information Clé pour l'Investisseur et détaillées dans le règlement du fonds.

Par règles de gestion, il faut entendre l'orientation de gestion - le type d'actifs que le gestionnaire est autorisé à acquérir avec l'épargne des investisseurs, comment il peut les acquérir (en direct ou via d'autres fonds eux-mêmes investis dans ces actifs), le style de gestion qu'il va pouvoir suivre, l'indice de référence qu'il doit suivre ou pas.

Naturellement, les règles de gestion d'un fonds et notamment son orientation de gestion sont stables dans le temps. C'est l'investisseur qui doit changer de fonds pour changer l'orientation de gestion de son épargne et non l'inverse, en tout cas dans la plupart des fonds.

L'orientation de gestion d'un fonds peut être cependant modifiée, mais exceptionnellement. Selon l'ampleur de la modification d'une part et les règles de gouvernance du fonds d'autre part, l'organe de gouvernance du fonds - c'est-à-dire son conseil de surveillance - est appelé à voter une résolution qui modifie le règlement, celui-ci devant ensuite être agréé par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). Ensuite, les épargnants sont prévenus du changement opéré et peuvent déplacer leur épargne si la nouvelle orientation de gestion du fonds choisie ne leur convient pas.

En pratique, en épargne salariale, et tout particulièrement pour les fonds multi-entreprises, l'exercice de la gouvernance des fonds laisse à désirer : les représentants des épargnants et des employeurs au conseil de surveillance du fonds - quand ils sont effectivement désignés, ce qui est rare - sont très peu nombreux à exercer leur droit de vote. Après tout, en cas de changement à leur insu, les épargnants n'auraient qu'à s'en prendre à leur employeur et à leurs représentants dans les fonds d'épargne salariale qui ne remplissent pas ou mal leur mission de surveillance.

La règlementation des fonds est à la fois si complexe et si floue dans son application pratique qu'elle permet à un gestionnaire de changer l'orientation de gestion d'un fonds sans avoir à recueillir l'assentiment des épargnants, et en se contentant d'envoyer un simple courrier aux porteurs de parts et aux membres des conseils de surveillance des fonds.

2- Un cas récent de changement de gestion mené sans concertation avec les représentants des épargnants

Récemment, Amundi, le plus gros gestionnaire de la place, a décidé de modifier l'orientation de gestion de tous les fonds monétaires d'épargne salariale de ses clients, soit 5 milliards € d'épargne, selon Newsmanagers. La décision d'Amundi : prendre plus de risques dans ces fonds dans l'espoir de dégager des performances meilleures : en pratique, rajouter des obligations court terme via des fonds spécialisés. Comme le permettent les règlement des fonds et la règlementation AMF, Amundi a pu opérer ce changement après l'envoi d'une simple lettre d'information aux épargnants et aux membres des conseils de surveillance des fonds. Par là, des épargnants voient leur épargne investie dans des supports plus risqués que ce qu'ils avaient choisi (délibérément ou en se laissant portés par les options de placement par défaut prévues par les plans).

A priori, une telle opération est critiquable: le gestionnaire change la règle de gestion en s'appuyant sur la faiblesse de la gouvernance des fonds et peut ainsi emporter l'épargnant dans un mouvement qui le dépasse, quand bien même un courrier lui rappelle qu'il est libre de changer de fonds. Nous désapprouvons de telles pratiques et pensons qu'il est possible de mieux traiter l'épargnant.

Les représentants d'Amundi ont expliqué à la presse (article Le Monde du 31 mars 2017) leurs motifs: ils s'estimaient en risque de défaut de conseil face à des épargnants salariés qui pourraient leur reprocher leurs piètres performances - il est vrai que les fonds monétaires affichent un rendement proche de zéro depuis plusieurs années - alors qu'ils n'avaient pas réussi à démontrer à ces mêmes épargnants leur intérêt à quitter ces fonds monétaires et à arbitrer vers des fonds plus dynamiques, supposés plus rentables dans un horizon moyen-long terme.

Sans faire de procès d'intention, rappelons ici que tout vendeur de fonds est en conflit d’intérêt lorsqu'il conseille d'arbitrer entre des fonds. Tout conseil qu'il délivrera en faveur d'un fonds autre que le monétaire pourra être terni d'arrière-pensées commerciales dans la mesure où les marges de profit du gestionnaire sont les plus fortes que le produit est risqué, c'est-à-dire que la part des actions dans le fonds est plus forte. Pour être clair : les fonds en actions rapportent très sensiblement plus au gestionnaire qu'un fonds monétaire.

3- Faut-il bannir le fonds monétaire des gammes de fonds proposées en épargne salariale ? Non !

L'opération d'Amundi revient à bannir une gestion monétaire pure en épargne salariale. Rappelons que la gestion en fonds monétaire pure est la moins risquée qui puisse être proposée, hormis l'épargne règlementée de type Livret A (0.75% par an actuellement) ou équivalent, toujours accessible mais en se privant des exonérations d'impôt sur le revenu sur ses primes d'intéressement ou de participation.

Il faut continuer à offrir la possibilité aux épargnants salariés de placer leur épargne dans des fonds à risque très faible, qui restent un outil précieux dans la gestion de leur patrimoine.

A l'approche d'un cas de déblocage de son épargne, il est recommandé de sécuriser son épargne pour ajuster au mieux le montant d'épargne qui va être récupéré et le montant d'argent nécessaire au financement de son projet. Rappel : tant que l'argent est investi : il est en risque, ce risque doit être minimisé, ce que permet précisément de faire un placement en fonds monétaire.

 4- Comment éviter que les salariés choisissent à mauvais escient un fonds monétaire ?

Les gestionnaires rappellent volontiers que les épargnants salariés tendent à rester placés très longtemps en monétaire et ils déplorent que les avoirs en monétaire représentent près du tiers de l'encours total en épargne salariale à fin 2016, selon l'Association Française de Gestion.

Le mécanisme pervers du fonds par défaut explique vraisemblablement une grande partie de la sur-représentation du fonds monétaire.

Actuellement, dans la très grande majorité des PEE, PEG ou PEI en France, le fonds par défaut est le fonds monétaire, ce qui est incohérent et anti-pédagogique, puisque ces plans ont leur terme normal à 5 ans (Moyen terme) et permettent aux épargnants de maintenir leur épargne investie au delà.

La logique commande de prévoir un fonds à horizon de placement Moyen terme comme placement par défaut, soit un fonds diversifié ou équilibre de type 50% actions-50% obligations, voire mieux encore, en gestion pilotée par horizon de placement (qui utilise habituellement 3 fonds à niveau de risque progressif sécurité/équilibre/dynamique).

L'épargnant qui sait être en mesure de récupérer son épargne avant le terme normal de 5 ans au motif d'un déblocage anticipé est alors responsable de choisir un fonds en fonction de son propre horizon de placement et sa propre acceptation du risque. La démarche d'arbitrage du fonds par défaut équilibré vers un fonds sécurisé devient pédagogique. L'effet-colle du fonds par défaut disparait.

Notre recommandation traite seulement le cas des flux futurs en épargne salariale.

Le coup de force d'AMUNDI, qui réussit à convertir le stock d'épargne en monétaire, apparaît tout à la fois magistral pour son compte de résultat et délétère pour l'épargnant insouciant.