lundi 28 août 2017

Annonces fiscales pour l'épargne salariale

Ce lundi 28 août 2017, sur les ondes de RTL,  le ministre de l'économie Bruno Lemaire a évoqué 2 points fiscaux ayant trait à l'épargne salariale :
    1. "Nous ne toucherons pas à la fiscalité sur l'épargne salariale"
      • Un débat s'était ouvert depuis l'annonce d'une "flat tax" universelle de 30% sur tous les produits financiers issus de l'épargne financière : l'épargne salariale, jusqu'alors exonérée d'impôt sur le revenu, allait-elle être assujettie à cette flat tax ? Rappelons que l'épargne salariale est déjà assujettie aux prélèvements sociaux à hauteur de 15.5%, composant cette flat tax, taux qui va augmenté de 1.7 points au 1er janvier 2018 au titre de la CSG, le taux global qui sera donc appliqué sur les produits de l'épargne salariale sera de 15.5+1.7=17.2%, au lieu de 30%. Les épargnants salariés échappent à 12.8% de taxes sur le fruit de leur épargne, toujours ça de pris !   
      • Les acteurs du marché étaient très inquiets et semblaient partir battus. Un grand gestionnaire avait même commencé à réclamer une hausse du périmètre de l'épargne salariale pour compenser l'attrition de son marché attendue suite à la hausse des prélèvements sur les produits financiers de 15.5% à 30% de l'épargne ! Pour mémoire, la distribution de participation aux résultats aux salariés est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le gestionnaire réclamait un abaissement de ce seuil à 10 salariés. Détails
      • Les propos du ministre paraissent lever le flou : la fiscalité de l'épargne salariale resterait inchangée et la flat tax ne s'appliquerait pas. Le détail de la mesure nous dira si des seuils d'épargne seront introduits ou non pour bénéficier de cette exonération.
    2. Le gouvernement prévoit "une bascule du CICE  en allègements de charges directes, qui va produire une plus grande profitabilité pour les entreprises et une hausse de la réserve de participation, estimée à 1 milliard d'euros."
      • On peut comprendre qu'au lieu de recevoir du CICE, les entreprises qui en bénéficient auront moins de charges à payer. A priori, il s'agit des mêmes montants, comment la profitabilité pourrait-elle augmenter ? Hormis le décalage de trésorerie - le CICE est versé en décalé -, aucun changement en volume a priori.
      • Une baisse des charges sociales ne génère pas automatiquement une hausse de la profitabilité :
        • Des charges sociales moindres pour l'entreprise peuvent être compensées par d'autres charges ou de moindres recettes, qui laisserait la profitabilité inchangée, et donc la réserve spéciale de participation inchangée elle aussi.
      • A la mise en place du CICE, certaines entreprises avaient déjà prévu des mécanismes de répercussion de son montant vers les salariés, notamment avec la mise en place d'accords d'intéressement. 
        • Elles ne compenseront pas deux fois.
      • Une hausse des profits ne génère pas automatiquement une hausse de la réserve de participation :
          • Un certain nombre d'entreprises pilotent déjà leur réserve de participation en utilisant une formule de participation dérogatoire. L'effet mécanique que semble espérer le gouvernement ne jouera pas.
          • De nombreuses entreprises ne versent pas de participation pour des raisons multiples (elles sont structurellement déficitaires ou les éléments entrant dans la formule de calcul annule la participation, ou tout bonnement parce qu'elles n'y sont pas obligées, n'atteignant pas le seuil de 50 salariés). La DARES fournit chaque année le nombre de salariés bénéficiaires de participation : ils étaient 4.5 millions de bénéficiaires en 2015 dans le secteur privé (dernier chiffre publié le 28 août 2017) sur un total de 12.6 millions. Autrement dit, près de 2 salariés sur 3 restent à l'écart de la participation ! La mesure devrait réveiller les jaloux. La prime de participation représentait en effet  1407€ en moyenne pour ceux qui en bénéficient - cette moyenne cachant des extrêmes de quelques euros à près de 30 000€ ! Car en effet, la prime de participation est plafonnée à 3/4 du plafond de la sécurité sociale, et un certain nombre d'entreprises florissantes et bien averties peuvent distribuer de tels montants.
        • Seules les entreprises bénéficiant du CICE seraient concernées a priori. 
          • Or de nombreuses entreprises sont restées à l'écart de ce dispositif CICE : les critères de baisses de charges seront-ils adaptés pour bénéficier à tous les salariés ?
        • L'impact du basculement CICE vers charges est estimé à 1 milliard d'euros. Ce montant peut valablement être rapproché du montant total de la participation versée en 2015 (même source DARES) : près de 6.3 milliards d'euros. 
Une chose paraît probable: l'annonce de la hausse de la participation va créer une attente chez les salariés et leurs représentants directement concernés et aussi chez ceux qui ne bénéficient pas de participation. L'épargne salariale faisant partie des points à négocier annuellement, gageons que le sujet va être mis à l'ordre du jour et discuté âprement dans les mois qui viennent pour vérifier les éléments du calcul de la participation et négocier des mécanimes de compensation tels que l'intéressement collectif.