mardi 4 avril 2017

Faut-il choisir un fonds à capital protégé comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale ?

La question du choix du fonds par défaut est crucial dans un plan d'épargne salariale. 

En effet, les épargnants salariés tendent à se laisser porter par la solution de placement financier automatique, soit qu'ils trouvent la matière trop compliquée, mal expliquée, inintéressante, ou qu'ils fassent confiance aux négociateurs du plan d'épargne salariale ou à l'employeur lui-même, qui définissent la solution de placement par défaut. En tout état de cause, la responsabilité de l'employeur est importante sur ce sujet délicat et sa responsabilité peut être recherchée par un salarié qui s'estimerait spolié par un fonds qui l'aurait pénalisé.

Face aux piètres performances depuis quelques années des fonds monétaires qui étaient jusqu'à présent le fonds par défaut de la plupart des Plans d’Épargne Entreprise, certains gestionnaires incitent actuellement leurs clients à les abandonner, au profit de fonds apparemment plus efficaces, les fonds à capital protégé. Attention : il s'agit de produits complexes, qui peuvent être décevants pour qui en espère trop.

1 - Qu'est-ce qu'un fonds à capital protégé ?

Un fonds à capital protégé est structuré pour que l'investisseur soit certain de retrouver pendant la période de protection définie une partie de son capital, mais en contrepartie de cet avantage, l'investisseur abandonne au gestionnaire une grande partie des produits financiers du fonds.

Un fonds à capital protégé est structuré en deux parties distinctes comportant chacune :
  1. Un actif dit « risqué », utilisé comme moteur de performance et exposé aux marchés actions et obligations, via des fonds spécialisés,
  2. Un actif dit « non risqué » dont l'objectif est d’assurer la protection du capital en investissant dans des produits monétaires et/ou obligataires, via des fonds spécialisés.
Par construction, un tel fonds est très sensible aux crises boursières, et comme celles-ci sont récurrentes, ce genre de fonds est très souvent décevant. Voici pourquoi :
  • Le gestionnaire adosse la partie principale du fonds sur des supports à risques très faibles, en parallèle, il couvre cette partie garantie du fonds par un contrat d'assurance de portefeuille,
  • En parallèle, il prend des risques sur l'autre partie du fonds, afin de dégager du rendement. Mais dès qu'une crise boursière intervient, ce coussin se dégonfle plus ou moins brutalement, il n'a plus d'actif risqué à gérer.
  • Comme le gestionnaire est tenu par sa promesse, il cesse de prendre des risques et se contente de suivre la partie non risquée. On dit alors que le fonds est "monétarisé" - géré uniquement en monétaire. 
  • L'épargnant détenteur de parts de ce fonds recevra son épargne selon la promesse faite.
  • Or, la gestion d'un tel fonds est très coûteuse, bien plus couteuse qu'un fonds sans promesse car elle fait intervenir plusieurs types d'équipes de gestionnaires et de contrôleurs pour tenir la promesse.
  • Plusieurs études montrent que ces fonds sont moins rentables à terme qu'un fonds classique équilibré, certes dépourvu de l'attrait d'une promesse. La prise de risque par l'épargnant lui-même est rémunératrice. A contrario, l'achat d'une garantie est très/trop couteuse.

Approche du risque des fonds à formule utilisés en épargne salariale sur un exemple concret

Prenons l'exemple d'un fonds à capital protégé très connu sur le marché de l'épargne salariale, le fonds "Amundi Protec 90 ESR", (avec le sigle "ESR" signifiant "Épargne Salariale et Retraite",et non pas Épargne Socialement Responsable comme le pensent certain-e-s !). Ce fonds garantit à l'épargnant de retrouver à tout moment 90% de la plus élevée des valeurs liquidatives du fonds, sur une durée limitée.

Il est instructif de lire attentivement le DICI du fonds "Amundi Protect 90 ESR", Document d'Informations Clés pour l'Investisseur, dont voici un extrait édifiant:

"L'objectif de gestion du FCPE est de protéger le capital à hauteur de 90 % de de la plus élevée des valeurs liquidatives durant la période allant du 14 novembre 2008 au 18 novembre 2021 inclus (la « période de protection »).

Pour y parvenir, l’équipe de gestion ajuste à tout moment la répartition entre l’actif risqué et l'actif non risqué en fonction notamment de l'évolution des marchés. 


Dans ce cadre, il peut exister un risque de « monétarisation » : en fonction des marchés, la part de l'actif risqué peut devenir nulle ; le fonds délivrerait alors une performance liée au marché monétaire et/ou obligataire et ne profiterait pas d’un éventuel rebond des actifs risqués. En fonction de l’évolution des actifs non risqués, cette situation pourra être temporaire ou durer jusqu’à l’échéance du fonds."

Le règlement du fonds, en page 2/12, fournit des explications complémentaires au DICI sur son rendement : 

"Pour bénéficier de la protection, réalisée grâce à une gestion dynamique de l’allocation entre Actifs Risqués et Actifs dits Non Risqués, les investisseurs acceptent de ne bénéficier que partiellement de la hausse du portefeuille d’OPCVM et/ou FIVG constituant les Actifs Risqués."

2 - Quelle utilité des fonds à capital protégé comme fonds par défaut en épargne salariale ?

On l'a expliqué ci-dessus, un fonds à capital protégé est un produit complexe à appréhender :
  • L'épargnant est assuré de récupérer, à tout moment, au minimum 90 % de la valeur liquidative record atteinte depuis le lancement du fonds. 
  • Dans le cas le plus défavorable, il perd 10 % de son épargne (plus les frais) et son épargne est gérée sur un support monétarisé.
C'est un produit compliqué à présenter aux salariés. Nous entendons souvent les fonds type Protec 90 être présentés abusivement comme :
  • des "Fonds à capital garanti" alors que la garantie n'est que partiellement garantie et encore, dans l'exemple du fonds Protec 90, la garantie porte sur 90% de la plus forte valeur liquidative, diminuée des frais de souscription,
  • des "Fonds à rendement garanti", alors que le rendement n'est pas garanti, seul le capital l'est, et partiellement.
Dans ses propos, l'employeur doit veiller à délivrer une information exacte, claire et non trompeuse.

Nous avons expliqué dans un article précédent pourquoi il est préférable de choisir comme fonds par défaut dans un plan d'épargne salariale à 5 ans non plus un fonds monétaire mais un fonds équilibré 50% actions 50% obligations.

Voici la comparaison des performances de la moyenne de fonds diversifiés élaborée par l'Association Française de Gestion avec le fonds Protec90 :


Sur 3 et 5 ans, la performance moyenne des fonds diversifiés est nettement supérieure à celle du fonds Protec 90. Naturellement, cette surperformance est obtenue au prix d'une volatilité très supérieure.

Il nous paraît plus intéressant de choisir une gestion diversifiée classique à un fonds à capital protégé.

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